Le général Murât, au
général Berthier.
Garofoli, 27 prairial an 8 (16
juin 1800).
J'ai l'honneur de vous faire parvenir, mon
Général, les différents rapports que je reçois des
généraux de brigade, commandant les brigades de la cavalerie
à la bataille de Marengo. J'essayerais en vain, si vous n'en aviez
été témoin, de vous peindre la bravoure et
l'intrépidité de toute la cavalerie ; il n'y a pas eu d'escadron
qui n'ait eu à soutenir, dans la journée, plusieurs charges de
cavalerie ; toutes ont été reçues et données avec
le plus grand succès.
Le général Kellermann, placé à
la gauche, a soutenu la retraite de la division Victor avec le plus grand
courage; le général Champeaux, à la droite, se comportait
avec la même intrépidité; au centre, le
général Duvignau, de sa personne, n'imitant point ses camarades,
et, sous prétexte de maladie, avait abandonné sa brigade qui
s'est, du reste, parfaitement bien battue.
Je dois surtout vous parler du général
Kellermann, qui, par une charge faite à propos, a su fixer la victoire
encore flottante et vous faire 5 à 6,000 prisonniers ; du chef de
brigade Bessières qui, en chargeant à la tête de ses
grenadiers, a montré autant de bravoure que de sang-froid; de l'adjudant
général César Berthier, qui a été partout
également brave, intelligent et actif ;il n'a cessé de rendre les
plus grands services dans cette journée et dans toute la campagne.
La cavalerie a beaucoup souffert; je dois des éloges
à tout le monde. La cavalerie a pris plusieurs drapeaux et plusieurs
canons. J'ai eu, dans cette journée, environ 800 hommes et chevaux hors
de combat.
Le général Kellermann s'est
particulièrement distingué ; le général Champeaux a
été blessé avec une infinité d'officiers
supérieurs et autres dont vous trouverez l'état ci-joint.
Je vous prie de m'accorder, pour le chef de brigade
Bessières, commandant la garde des Consuls, le grade
dégénérai de brigade ; je vous le demande aussi pour
l'adjudant général Berthier et pour le chef de brigade du 8e régiment de dragons, qui, depuis la g'uerre d'Italie,
n'a cessé de se distinguer avec le corps qu'il commande.
Je demande aussi le grade d'adjudant général
pour mon aide de camp Colbert; le grade de chef de brigade pour mon aide de
camp Beaumont qui, m'accompagnant partout, a contribué, par son courage,
son activité et son intelligence, au succès de la cavalerie dans
la journée, et qui, depuis le commencement de la campagne, a eu deux
chevaux tués sous lui.
Mon aide de camp Didier, blessé également par
un biscaïen, mérite des éloges particuliers.
Les citoyens Bigame, lieutenant au 1ere régiment de dragons ; Deblou, capitaine au 2eme régiment de chasseurs; Decoux, sous-lieutenant au
2eme régiment de chasseurs, Renaud,
sous-lieutenant au 11e de hussards ; officiers de
correspondance près de moi, se sont comportés avec le plus grand
courage. Didetes, officier piémontais, s'est bien battu.
Salut et respect. MURAT.
P.-S. Les grenadiers à pied des Consuls que
vous m'avez envoyés, ont soutenu à la droite plusieurs charges de
cavalerie l'arme au bras, et ont arrêté pendant longtemps le
succès de l'ennemi. Ce corps a perdu 121 hommes tués ou
blessés. Je lui dois des éloges particuliers, et, si j'ai pris
quelques soins à l'organiser, je suis bien récompensé de
le voir répondre d'une manière si brillante à mon attente.
L'adjudant général Berthier fera passer
à votre chef d'état-major l'état des pertes des
différents corps de cavalerie de l'armée. |