Napoleon's
Correspondence June 15 and 16, 1815 (22054 -
22059)
22054. - AU PRINCE JOSEPH, PRÉSIDENT DU CONSEIL DES
MINISTRES , A PARIS,
Beaumont, 15 juin 1815, trois heures du matin.
Mon Frère , l'ennemi faisant des mouvements pour nous
attaquer, je marche à sa rencontre. Les hostilités vont donc
commencer aujourd'hui: ainsi je desire que l'on fasse les communications qui
ont été préparées. Informez-en le duc de Vicence.
NAPOLEON ,
D'après l'original, Archives des affaires
étrangères,
22055.AU PRINCE JOSEPH , PRESIDENT DU CONSEIL DE'S
MINISTRES , A PARIS.
Charleroi, 15 juin 1815, neuf heures du soir.
Monseigneur, il est neuf heures du soir, L'Empereur, qui est
à cheval depuis trois heures du matin, rentre accablé de fatigue.
Il se jette sur son lit pour s'y reposer quelques heures. Il doit remonter
à cheval à minuit. Sa Majesté ne pouvant écrire
à Votre Altesse me charge de lui mender ce qui suit:
" L'armée a force la Sambre près Charleroi et
placé des avant gardes à moitié chemin de Charleroi
à Namur et de Charleroi à Bruxelles. Nous avons fait 1,500
prisonniers et enlevé six pièces de canon. Quatre
régiments prussiens ont été écrasés.
L'Empereur a perdu peu de monde. Mais il a fait une perte qui lui est
très-sensible: c'est son aide de camp, le général Letort ,
qui a été tué sur le plateau de Fleurus en commandant une
charge de cavalerie. L'enthousiasme des habitants de Charleroi et de tous les
pays que nous traversons ne peut se décrire. Ce sont les mêmes
sentiments qu'en Bourgogne.
L'Empereur désire , Monseigneur , que vous fassiez
part de ces nouvelles aux ministres, et que vous voyiez l'usage qu'il convient
d'en faire.
Il est possible qu'il y ait demain une affaire
très-importante.
Le premier secrétaire du cabinet ,
Baron Fain.
D'après l'original comm. par le cabinet de S. M.
l'Empereur.
22056. - BULLETIN DE L'ARMÉE.
Charleroi 15 juin 1815 , au soir.
Le 14, l'armée était placée de la
manière suivante:
Le quartier impérial à Beaumont.
Le 1er corps, commandé par le général
d'Erlon, était à Solre, sur la Sambre.
Le 2e corps , commandé par le général
Reille, était à Ham-sur-Heure .
Le 3e corps, commandé par le général
Vandamme, était sur la droite de Beaumont.
Le 4e corps, commandé par le
général Gérard, arrivait à Philippeville .
Le 15, à trois heures du matin, le
général Reille attaqua l'ennemi et se porta sur
Marchienne-au-Pont, Il eut différents engagements dans lesquels sa
cavalerie chargea un bataillon prussien et fit 300 prisonniers .
A une heure du matin, l'Empereur était à
Jamioulx-sur-Heure.
La division de cavalerie légère du
général Domon sabra deux bataillons prussiens et fit 400
prisonniers.
Le général Pajol entra à Charleroi
à midi. Les sapeurs et les marins de la Garde étaient à
I'avant-garde pour réparer les ponts; ils
pénétrèrent les premiers en tirailleurs dans la ville, Le
général Reille avec le 1er de hussards, se porta sur Gosselies,
sur la route de Bruxelles, et le général Pajol sur Gilly, sur la
route de Namur.
A trois heures après midi, le général
Vandamme déboucha avec son corps sur Gilly.
Le maréchal Grouchy arrive avec la cavalerie du
général Exelmans .
L'ennemi occupait la gauche de la position de Fleurus. A
cinq heures après midi, l'Empereur ordonna l'attaque. La position fut
tournée et enlevée. Les quatre escadrons de service de la Garde,
commandés par le général Letort, aide de camp de
l'Empereur, enfoncèrent trois carrés : les 26e, 27e et 28e
régiments prussiens furent mis en déroute. Nos escadrons
sabrèrent 4 ou 500 hommes et firent 1,500 prisonniers.
Pendant ce temps, le général Reille passait la
Sambre à Marchienne-eau-Pont, pour se porter sur Gosselies avec les
divisions du Prince Jérôme et du général Bachelu,
attaquait l'ennemi, lui faisait 250 prisonniers et le poursuivait sur la route
de Bruxelles.
Nous devînmes ainsi maîtres de toute la position
de Fleurus.
A huit heures du soir, l'Empereur rentra à son
quartier général Charleroi.
Cette journée coûte à l'ennemi cinq
pièces de canon et 2,000 hommes, dont 1,000 prisonniers. Notre perte est
de 10 hommes tués et de 80 blessés, la plupart, des escadrons de
service, qui ont fait les charges , et des trois escadrons du 20e de dragons ,
qui ont aussi chargé un carré avec la plus grande
intrépidité. Notre perte, légère quant au nombre ,
a été sensible à l'Empereur, par la blessure grave qu'a
reçue le général Letort , son aide de camp , en chargeant
à la tête des escadrons de service. Cet officier est de la plus
grande distinction. Il a été frappé d'une belle au
bas-ventre, et le chirurgien fait craindre que sa blessure ne soit mortelle.
Nous avons trouvé à Charleroi quelques
magasins. La joie des Belges ne saurait se décrire. Il y a des villages
qui , à la vue de leurs libérateurs , ont formé des danses
, et partout c'est un élan qui part du coeur.
Dans le rapport de l'état-major
Général, on insérera les noms des officiers et soldats qui
se sont distingués.
L'Empereur a donné le commandement de la gauche au
prince de la Moskova, qui a eu le soir son quartier général aux
Quatre-Chemins, sur la route de Bruxelles.
Le duc de Trévise, à qui l'Empereur avait
donné le commandement de la jeune Garde , est resté à
Beaumont , malade d'une sciatique qui l'a forcé de se mettre au lit.
Le 4e corps, commandé par le général
Gérard, arrive ce soir à Chàtelet. Le
général Gérard a rendu compte que le lieutenant
général Bourmont, le colonel Clouet et le chef d'escadron
Villoutreys ont passé à l'ennemi. Un lieutenant du 11e de
chasseurs a également passé à l'ennemi. Le major
général a ordonné que ces déserteurs fussent
sur-le-champ jugés conformément aux lots.
Rien ne peut peindre le bon esprit et l'ardeur de
l'armée. Elle regarde comme un événement heureux la
désertion de ce petit nombre de traîtres , qui se
démasquent ainsi.
Extrait du Moniteur du 18 juin 1815.
22057. - AU PRINCE JOSEPH , PRÉSIDENT DU CONSEIL DES
MINISTRES , A PARIS ,
Charleroi, 16 juin 1815.
Mon Frère, le bulletin vous fera connaître ce
qui s'est passé, Je porte mon quartier général à
Fleurus. Nous sommes en grand mouvement, Je regrette beaucoup la perte du
général Letort. La perte de la journée d'hier est peu
considérable et porte presque toute sur les quatre escadrons de service.
La confiscation des biens des traîtres qui forment
des rassemble meets à Gand est nécessaire,
NAPOLÉON.
Letort va mieux,
D'après l'original comm. par le cabinet de S. M.
l'Empereur.
22058.- AU MARÉCHAL NEY, PRINCE DE LA MOSKOVA,
COMMANDANT L'AlLE GAUCHE DE L'ARMÉE DU NORD.
Charleroi, 16 juin 1815,
Mon cousin , je vous envoie mon aide de camp le
général Flahault , qui vous porte la présente lettre, Le
major général a dû vous donner des ordres mais vous
recevrez les miens plus tot, parce que mes officiers vont plus vite que les
siens, Vous recevrez l'ordre de mouvement du jour, mais je veux vous en
écrire en détail, parce que c'est de la plus haute
importance.
Je porte le maréchal Grouchy avec les 3e et 4e corps
d'infanterie sur Sombreffe; je porte ma Garde à Fleurus, et j'y serai de
ma personne avant midi, J'y attaquerai l'ennemi si je le rencontre, et
j'éclairerai la route jusqu'à Gembloux. Là, d'après
ce qui se passera, je prendrai mon parti peut-etre à trois heures
après midi , peut-être ce soir. Mon intention est que ,
immédiatement après que j'aurai pris mon park , vous soyez
prêt à marcher sur Bruxelles, Je vous appuierai avec la Garde, qui
sera à Fleurus ou à Sombreffe, et je désirerais arriver
à Bruxelles demain matin, Vous vous mettriez en marche ce soir
même , si je prends mon parti d'assez bonne heure pour que vous puissiez
en être informé de jour et faire ce soir trois ou quatre lieues et
être demain à sept heures du matin à Bruxelles.
Vous pouvez done disposer vos troupes de la manière
suivante:
Première division , à deux lieues en avant des
Quatre-Chemins , s'il n'y a pas d'inconvénient; six divisions
d'infanterie autour des Quatre-Chemins , et une division à Marbais ,
afin que je puisse l'attirer à moi à Sombreffe , si j'en avais
besoin; elle ne retarderait d'ailleurs pas votre marche;
Le corps du comte de Valmy, qui a 3,000 cuirassiers
d'élite, à l'intersection du chemin des Romains et de celui de
Bruxelles, afin que je puisse l'attirer à moi si j'en avais besoin,
Aussitôt que mon parti sera pris , vous lui enverrez l'ordre de venir
vous rejoindre.
Je désirerais avoir avec moi la division de la Garde
que commande le général Lefebvre-Desnoëttes, et je vous
envoie les deux divisions du corps du comte de Valmy pour la remplacer, Mais,
dans mon projet actuel , je préfère placer le comte de Valmy de
manière à le rappeler si j'en avais besoin, et ne point faire
faire de fausses marches au général Lefebvre-Desnoëttes,
puisqu'il est probable que je me déciderai ce soir à marcher sur
Bruxelles avec la Garde. Cependant couvrez la division Lefebvre par les
divisions de cavalerie d'Erlon et de Reille, afin de ménager la Garde:
s'il y avait quelque échauffourée avec les Anglais, il est
préférable que ce soit sur la ligne que sur la Garde.
J'ai adopté comme principe général,
pendant cette campagne, de diviser mon armée en deux ailes et une
réserve. Votre aile sera composée des quatre divisions du 1er
corps, des quatre divisions du 2e corps, de deux divisions de cavalerie
légère et de deux divisions du corps du comte de Valmy. Cela ne
doit pas être loin de 45 à 50,000 hommes.
Le maréchal Grouchy aura à peu près la
même force et commandera l'aile droite.
La Garde formera la reserve, et je me porterai sur l'une ou
l'autre aile , selon les circonstances. Le major général donne
les ordres les plus précis pour qu'il n'y ait aucune difficulté
sur l'obéissance à vos ordres lorsque vous serez
détaché , les commandants de corps devant prendre mes ordres
directement quand je me trouve présent.
Selon les circonstances, j'affaiblirai l'une ou l'autre
aile, en augmentant ma réserve.
Vous sentez assez l'importance attachée à la
prise de Bruxelles. Cela pourra d'ailleurs donner lieu à des incidents,
car un mouvement aussi prompt et aussi brusque isolera l'armée anglaise
de Mons, Ostende, etc, Je désire que vos dispositions soient bien faites
, pour qu'au premier ordre vos huit divisions puissent marcher rapidement et
sans ; obstacle sur Bruxelles.
NAPOLÉON.
D'après la copie. Dépôt de la guerre.
22059. - AU MARÉCHAL COMTE GROUCHY,
COMMANDANT L' AILE DROITE DE L ARMÉE DU NORD.
Charleroi 16 juin 1815,
Mon Cousin , je vous envoie Labédoyère , mon
aide de camp, pour vous porter la présente lettre. Le major
général a du vous faire connaître mes intentions; mais,
comme il a des officiers mal montes, mon aide de camp arrivera peut-être
avant.
Mon intention est que, comme commandant l'aile droite, vous
preniez le commandement du 3e corps que commande le général
Vandamme, du 4e corps que commande le général Gérard, des
corps de cavalerie que commandent les généraux Pajol, Milhaud et
Exelmans ; ce qui ne doit pas faire loin de 50,000 hommes. Rendez-vous avec
cette aile droite à Sombreffe, Faites partir en conséquence, de
suite, les corps des généraux Pajol, Milhaud, Exelmans et
Vandamme , et , sans vous arrêter , continuez votre mouvement sur
Sombreffe. Le 4e corps , qui est à Chàtelet, reçoit
directement l'ordre de se rendre à Sombreffe sans passer par Fleurus.
Cette observation est importante, parce que je porte mon quartier
général à Fleurus et qu'il faut éviter les
encombrements. Envoyez de suite un officier au général
Gérard pour lui faire connaître votre mouvement, et qu'il
exécute le sien de suite.
Mon intention est que tous les généraux
prennent directement vos ordres; ils ne prendront les miens que lorsque je
serai présent. Je serai entre dix et onze heures à Fleurus;
je me rendrai à Sombreffe, laissant ma Garde , infanterie et cavalerie,
à Fleurus; je ne la conduirais à Sombreffe qu'en cas qu'elle fut
nécessaire. Si l'ennemi est à Sombreffe, je veux l'attaquer; je
veux même l'attaquer à Gembloux et m'emparer aussi de cette
position, mon intention étant' après avoir connu ces deux
positions , de partir cette nuit, et d'opérer avec mon aile gauche, que
commande le maréchal Ney, sur les Anglais. Ne perdez done point un
moment, parce que plus vite je prendrai mon parti , mieux cela vaudra pour la
suite de mes opérations. Je suppose que vous êtes à
Fleurus. Communiquez constamment avec le général Gérard,
afin qu'il puisse vous aider pour attaquer Sombreffe, s'il était
nécessaire.
La division Girard est à portée de Fleurus;
n'en disposez point à moins de nécessité absolue, parce
qu'elle doit marcher toute la nuit, Laissez aussi ma jeune Garde et toute son
artillerie à Fleurus.
Le comte de Valmy , avec ses deux divisions de cuirassiers ,
marche sur la route de Bruxelles; il se lie avec le maréchal Ney, pour
contribuer à l'opération de ce soir, à l'aile gauche.
Comme je vous l'ai dit, je serai de dix à onze heures
à Fleurus, Envoyez-moi des rapports sur tout ce que vous apprendrez.
Veillez à ce que la route de Fleurus soit libre, Toutes les
données que j'ai sont que les Prussiens ne peuvent point nous opposer
plus de 40,000 hommes.
NAPOLÉON.
D'après la copie, Dépôt de la guerre.
|